Jean- Marc, reconverti pour un soir en prof de philosophie, armé de sa baguette, a tout d’abord envoyé les picaiens au tableau pour écrire ce qu’est, selon eux, une bonne photo :

Une bonne photo, c’est une image
qui me fait rêver, pleurer, rire
qui me transporte, m’émotionne
qui me prend aux tripes
qui me fait sourire
qui m’étonne, me surprends
qui m’émerveille
qui me fait réagir
qui me fait plaisir
qui me rappelle un bon souvenir, une époque
qui me fait voyager dans le temps
qui arrête l’instant ( oh temps, suspends ton vol !)
qui m’apprend quelque chose
qui touche mon âme
qui me touche au plus profond de mon être
qui remplit son contrat, ce pourquoi elle a été faite
qui m’aide à vivre
qui me connecte avec la beauté, au divin
qui fait preuve d’originalité ( choix du sujet, cadrage, angle de vue )
une image qui est bien construite, composée, harmonieuse , équilibrée
une image que j’ai envie de mettre au mur, d’agrandir en G format
une image qui remporte un concours
qui rapporte beaucoup d’argent
c’est la photo que j’aurai aimé faire
me montre ce que l’œil ne peut pas percevoir
elle est intemporelle, le temps n’a pas de prise sur elle, elle se bonifie comme un bon vin
une lumière exceptionnelle
un sujet original
qui me laisse sur le cul
qui est une icone de la photographie
qui me fait kiffer grave
qui me faire dire Whaou !

Bonne photo… ou belle photo… ou beau sujet ?

C’est peut être la première question à se poser devant une image qui nous séduit : sommes nous séduit par le sujet (une jolie fille, un beau mec, un enfant mignon, un paysage de rêve…) ou par la façon dont ce beau sujet est mis en valeur ?
Si c’est par le sujet, c’est qu’on aime le sujet mais pas forcément la photo !
Si c’est par l’image, c’est parce que :
– nous comprenons tout de suite quel est le sujet. Notre regard n’est pas distrait par d’autres sujets.
– quand il y a plusieurs sujets, nous comprenons pourquoi ils figurent ensembles sur l’image. Aucun ne dérange. Il y a une logique dans la façon dont sont disposés les sujets.

Cette logique est suggérée par des « règles » de composition, comme celle des1/3 – 2/3 ou celle de la disposition des points forts et des lignes de guidage.
ATTENTION : ces règles ne sont pas impératives ! Ce sont celles qui marchent le plus souvent. Certains sujets peuvent réclamer une autre logique…


Qualité technique de l’image

Nous parlons ici de la qualité brute d’une image, pas de rapport qualité/prix, qualité/taille, qualité/temps de transmission etc…
Chacun verra ensuite dans quelle mesure il accepte de dégrader la qualité brute en fonction de la destination de l’image.
Quelle caractéristique regarder pour voir la « qualité brute » d’une photo :

Qualité documentaire de l’image

Il s’agit de voir ce que l’image nous apprend sur le sujet :
– souvent dans le cadre d’un thème, ou d’un reportage.
– les informations apportées par la ou les images doivent permettre de retrouver le thème et le sujet du reportage.

Cet aspect est souvent considéré comme le principal pour une photo. Car, contrairement à la peinture et au dessin, la photographie est une technique qui permet de fixer une scène (presque) comme elle a été vue.
La photo a longtemps été considérée comme un témoignage fidèle et impartial, au point de servir parfois de preuve juridique !

Mais n’oubliez jamais que :
– d’une part, les techniques, aujourd’hui comme hier, permettent de modifier la « réalité » présente sur la photo
– d’autre part, une photo n’est qu’une partie des scènes vues ! Petit échantillon séparé de l’ensemble, aussi bien dans l’espace (extrait d’une scène plus globale), que dans le temps (instantané, ne montrant ni le passé, ni le futur)


Qualité artistique de l’image

Il s’agit de voir ce que l’image nous apprend sur le photographe et son intention. Choisie comme moyen d’expression, l’image contient des impressions, des sentiments, une sensibilité, un aspect de sa personnalité que le photographe nous communique.

Contrairement à une idée répandue, il n’est pas forcément question ici de faire référence à des siècles de culture et des années d’étude !
Une œuvre artistique peut évidemment s’envisager dans la continuité (ou la rupture !) de toute une histoire, mais tout essai d’écriture, de peinture, de musique, de photographie et autre peut s’apprécier comme un ensemble de sentiments que l’auteur veut transmettre.

Tout dans l’image est susceptible de contribuer à cet effet :
– la technique, l’éclairage, la netteté, la composition…
– le choix du sujet
– les formes, les lignes
– l’assortiment des couleurs, les contrastes
– la texture du papier, l’aspect de l’image
– la présentation de l’image, la couleur et la matière du cadre, sa forme
– et tout le reste…

Chacun est libre de renforcer et de souligner comme il l’entend les sentiments qu’il veut faire passer…

Objectivité ou subjectivité

Après tout ça, est-il encore possible de dire qu’une photo est bonne ou mauvaise ?

Car finalement, la seule photo franchement mauvaise est celle qui :
– a un ou plusieurs défauts techniques
– ET n’apprend rien sur le sujet
– ET ne montre aucun sentiment, aucune sensibilité, n’exprime rien !

D’un autre coté, la seule photo franchement bonne est celle qui :
– n’a aucun défaut technique
– ET donne sur le sujet une information que personne ne connaissait
– ET fait éprouver à tous ceux qui la regarde le sentiment exact que le photographe voulait faire passer !

Evidemment, entre ces deux extrêmes, nous trouvons toutes les photos que nous avons déjà vues, et toutes celles que nous verrons !

Chacun doit donc décider, devant une image :
– ce qu’il ressent, et est-ce que c’est bien ce que le photographe voulait montrer
– ce qu’il apprend, et ça dépend évidemment de ce qu’il connait déjà !
– si les défauts techniques nuisent aux deux aspects précédents, ou si ces aspects sont assez puissants pour pardonner les imperfections…

Après ça, comment voulez vous que nous ayons tous le même avis !